Sophie Marceau en archère confirmée dans "Une femme de notre temps"

Le 5 octobre sort en salles « Une femme de notre temps », le dernier film de Jean-Paul Civeyrac dans lequel Sophie Marceau, qui tient le premier rôle, est aussi une archère confirmée.

Sophie Marceau est Juliane, commissaire de police à Paris, une femme d’une grande intégrité́ morale. Mais la découverte de la double vie de son mari va soudain la conduire à commettre des actes dont elle ne se serait jamais crue capable… Dans ce film, le tir à l’arc, que le personnage de Sophie Marceau maîtrise, est la métaphore du chemin que Juliane va suivre, aussi rapide et cinglant que la traversée d’une flèche. Dans une interview exclusive pour la FFTA, Sophie Marceau est revenue sur son apprentissage du tir à l’arc et ce que ce sport représente pour elle et son personnage.

Aviez-vous déjà tiré à l’arc avant ce rôle ?

Jamais. J’aimais bien me déguiser en « squaw » quand j’étais petite, mais mes frères, cousins et neveux en ont profité pour m’attacher à l’arbre et me laisser prisonnière pendant qu’eux jouaient aux cowboys et aux indiens ! Plus sérieusement, je n’avais jamais fait ça avant le film. L’arc, c’est une très belle philosophie. Il y a quelque chose de très particulier, presque de méditatif dans l’exercice, c’est super. Ça m’a apporté beaucoup, j’ai pu mettre des adjectifs qu’on utilise quand on pratique le tir à l’arc, sur le caractère de mon personnage. On pouvait faire la métaphore entre une flèche qui part tout droit et le film qui part comme ça également, la radicalité, comme si ça allait plus vite d’une seconde que le temps

Votre rôle est celui d’une femme à la recherche de la vérité et d’une justice. Face à la découverte de la double vie de son mari, on imagine une fureur bouillonnante. Comment cohabitent dans le film et votre interprétation cette violente énergie et le tir à l’arc, qui nécessite calme et maîtrise de soi ?

Cette femme est commissaire de police donc elle ne peut pas être trop dans l’émotion. Ce n’est pas un métier facile, on y voit tous les jours des choses horribles et on doit savoir rester lucide et rationnel ; donc elle a cette espèce de force et de contrôle d’elle-même. Elle écrit des histoires, elle est aussi écrivain donc elle exorcise un peu ses émotions dans l’écriture, mais c’est quelqu’un qui est dans le contrôle. Et il faut être dans le contrôle quand on tir à l’arc, mais le paradoxe c’est qu’on est à la fois dans le contrôle et dans le lâcher. Et c’est ce qui merveilleux. C’est-à-dire que si on arrive vraiment à ces deux états là, on peut fermer ses yeux et on atteindra sa cible. Et cela représente vraiment le personnage de Juliane. Elle s’est construit une vie dont elle a besoin : son mari, sa famille, son travail… elle est ancrée et a besoin de ce rapport de confiance et de simplicité. Que les choses soient construites et cadrées. Le jour où elle apprend la trahison de son mari, une double trahison en plus, c’est comme si tout l’échafaudage risquait de tomber car elle a construit sa vie là-dessus. Il suffit d’enlever une carte pour que le château s’effondre. Là c’est une question de survie pour elle. Donc elle va être dans cet élan impulsif, instinctif d’aller à la vérité, de comprendre, de l’affronter. Et elle part dans cette mission comme une flèche. Elle ne sait même pas où elle va, mais elle y va. Elle a lâché à un moment donné, son corps a lâché, elle a vrillé. Il n’y a pas de folie ni d’hystérie, c’est juste qu’elle a tout perdu, elle perd tout ce qui était l’équilibre de sa vie. Donc là, elle est juste dans le lâcher et elle laisse le courant l’emporter, elle a lâché la flèche. Et elle va aller à son but ; le film est comme ça, c’est juste ce moment-là, le moment où sa vie bascule et où on rentre dans une espèce de fable où on traverse le temps, tout va vite, il lui arrive des choses mais elle, elle fonce tout droit. Donc le tir à l’arc n’était pas un hasard par rapport à ce personnage et à cette histoire.

Le paradoxe au tir à l'arc, c’est qu’on est à la fois dans le contrôle et dans le lâcher. Et c’est ce qui merveilleux. C’est-à-dire que si on arrive vraiment à ces deux états là, on peut fermer ses yeux et on atteindra sa cible.

Comment vous êtes-vous préparée pour ce rôle et pour apprendre le tir à l’arc ?

Je suis allée 2 fois par semaine au club d’Issy-les-Moulineaux, avec Michel puis Armand, mes deux profs très sympas. Ils me filmaient pour me montrer ma position et les axes à améliorer. Et puis il y a l’arc, oui, mais il faut aussi comprendre, être capable de sentir son corps, son équilibre… Ce sont beaucoup de petites choses qu’ils doivent vous rappeler pour que vous en ayez conscience. C’est vraiment rentrer en soi. C’est sentir l’énergie du sol, être fluide avec son souffle pour ne pas rester en apnée, descendre les épaules, qu’il n’y ait aucune tension jusqu’au bout des doigts… Enfin c’est vraiment un travail presque de méditation.

Justement, avez-vous entouré l’approche physique d’une préparation mentale et respiratoire ?

Nous (les acteurs) on apprend vite, car on n’est pas des « vrais », on fait un peu semblant et heureusement, la caméra aide ! Mais on doit quand même avoir l’air de professionnels, donc on apprend tout très vite. Moi j’aime bien car je ne suis pas très scolaire et je comprends vite aussi. Il y avait toute cette approche là mais de façon accélérée on va dire. Et puis mon personnage m’a aidé pour aussi comprendre cette notion de lâcher : je me disais « ah mais oui c’est comme l’arc, l’arc c’est comme elle ». J’ai lu aussi un peu « Le Zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc » qui est vraiment dans une notion plus métaphysique. J’ai vu l’infini dans ce travail de l’équilibre, du lâcher etc. Je l’ai fait en accéléré mais ça m’a évidemment aidée pour le tournage. A un moment il faut y aller. Je voulais absolument mettre dans le mille, mais la caméra ne voyait pas si je mettais dans le mille alors je disais « filme moi en train de mettre dans le mille s’il-te-plaît », et évidemment au moment où il me filme je ne mets pas dans le mille !

Avez-vous eu besoin d’une doublure pour certains plans ?

Aucune, je suis le Jean-Paul Belmondo de l’arc ! Je n’ai pas de doublure mais en même temps ce n’était pas non plus 4h sur l’arc. D’une manière générale je n’aime pas me faire doubler. Evidemment, si ça risque de mettre en danger le film c’est différent, et il y a des choses que je ne pourrai jamais faire, mais j’essaye au maximum de le faire moi-même. A la fin du film, je porte mon arc comme une amazone et je cours, c’est superbe et sauvage. A un moment, il y a un monologue d’un personnage, qui parle de cette notion de moment présent, de rapidité, de patience… et qui parle aussi de nous autres humains dans la jungle de la vie, qui fait le parallèle avec mon personnage et le chemin qu’elle prend. C’est très beau.

Avez-vous aimé apprendre le tir à l’arc, comme tant d’autres défis pour les films au cours de votre carrière ?

J’ai adoré ça. A l’époque je faisais beaucoup de films en costume, où je devais faire du cheval et des cascades donc beaucoup d’équitation, l’escrime que j’ai adoré, du combat à l’épée, de la danse… du ski dans James Bond, où j’ai réussi à tourner quelques scènes, j’avais vraiment envie de faire certains plans moi-même. Beaucoup de défis, mais j’aime bien et c’est surtout très payant au cinéma.

Que vous a apporté personnellement d’apprendre le tir à l’arc ?

Mes rôles m’inspirent et m’apprennent des choses sur les passions humaines, les destins des vies… c’est toujours très enrichissant, comme lire un roman. De tout ça, j’apprends ce que c’est que de respirer. Moi je n’ai pas une passion définie, je fais un peu de tout mais les petits moments que j’ai vécu étaient très forts. J’ai d’ailleurs gardé mon arc.

Justement, avez-vous prévu de reprendre l’arc en loisir personnel ?

Je ne suis pas scolaire, j’aurais pu reprendre des cours mais je préfère le garder ; je l’ai amené à la campagne pour m’y amuser un peu de temps en temps.

 

« Une femme de notre temps » est à retrouver au cinéma à partir du 5 octobre 2022.

Propos recueillis le 13 septembre 2022 par Stéphanie GIROU, service communication de la FFTA. Crédit photos Jean-Claude LOTHER et Moby Dick Films.
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